La crise du Covid et ses suites, à partir de 2020, ont poussé une grande partie de la population active à s’interroger : suis-je parmi les activités essentielles ? Mon métier a-t-il du sens ?
Dans le secteur de l’addictologie, comme partout en santé et encore plus généralement dans les « métiers de l’humain » comme on aime à les appeler, l’utilité et la nécessité du métier font peu de doute. Il faut rappeler ici la place tout à fait singulière qu’occupent les associations dans la mise en œuvre des politiques publiques de santé, du social et du médico-social en France. Historiquement, elles sont un maillon essentiel du service public, assurant sur le terrain des missions d’intérêt général que l’État ne peut ni ne sait pas assumer seul. Par leur proximité avec les publics, leur capacité d’innovation et leur enracinement local, elles incarnent une forme vivante de solidarité et de cohésion sociale.
Or cette singularité, si précieuse, est aujourd’hui fragilisée. Le mépris institutionnel dont font parfois l’objet les acteurs associatifs, conjugué à la rigueur budgétaire, remet en cause leur rôle même dans l’architecture du service public. Les conséquences sont multiples : dégradation des conditions de travail des professionnels, perte de sens, usure accélérée des équipes, mais aussi impact direct sur la qualité de l’accompagnement proposé aux personnes. Au-delà des structures elles-mêmes, c’est la cohésion sociale dans son ensemble qui se trouve menacée.
L’austérité budgétaire a un coût…
Ainsi, les choix budgétaires opérés au sommet de l’État ont des répercussion directes et palpables sur le quotidien des professionnels et, se faisant, sur la qualité de l’accompagnement.
À l’hôpital, on le sait, le « quoi qu’il en coûte » a ainsi déjà de nouveau cédé la place aux logiques comptables au détriment des soins et de la sérénité dans le travail des soignants. Dans le secteur associatif, les ressors sont différents… mais les conséquences non moins graves.
La généralisation des mesures du « Ségur de la santé » a certes constitué une avancée majeure en matière de reconnaissance, notamment pour celles et ceux qu’on avait longtemps qualifiés d’« oubliés » : le personnel non directement soignant mais indispensable au fonctionnement du système, en particulier dans les structures médico-sociales. Cependant, cette généralisation s’est faite sans dotations à la hauteur, plongeant de nombreuses associations dans des tensions financières aiguës. Sur le papier, l’attractivité des métiers a progressé. Dans la réalité, la précarité des dispositifs et la dégradation des conditions de travail demeurent. Ces dernières varient fortement selon les secteurs, les territoires et les types de financement, accentuant encore les inégalités entre structures.
La récente annonce d’un plan de licenciements chez nos partenaires de AIDES, à la suite de la baisse historique de leur subvention par l’État, illustre les difficultés auxquelles le monde associatif est confronté. Partout, les associations tirent la sonnette d’alarme — en témoigne la grande mobilisation « Ça ne tient plus », portée par le Mouvement associatif et à laquelle la Fédération Addiction a naturellement pris part.
Au-delà du financement : les associations face aux tensions de la société
Quand l’inquiétude ne vient pas des finances, ce sont d’autres menaces qui pèsent sur le travail des professionnels et le quotidien des associations. Ces tensions sont le reflet d’un climat politique et social de plus en plus tendu, marqué par la montée des discours d’extrême droite et par une instabilité institutionnelle croissante. Elles se traduisent, sur le terrain, par des conflits avec certains riverains, des relations plus complexes avec les collectivités ou encore une pression sécuritaire accrue exercée par les forces de l’ordre.
Une illustration récente l’a rappelé : au début du mois d’octobre, les usagers et salariés d’un CSAPA parisien ont été méthodiquement fouillés devant leurs locaux par la police judiciaire. Un épisode d’une grande violence symbolique qui interroge : comment, dans de telles conditions, continuer à travailler, accueillir et accompagner les personnes… et assurer ce qui est, rappelons-le, une véritable mission de service public ?
Mais un secteur qui reste mobilisé
On le comprend, difficile d’attirer des jeunes professionnels dans ce contexte. Mais le secteur de l’addictologie et, plus généralement, de l’accompagnement des publics vulnérables, continue à montrer sa richesse ! Lisez ci-dessous notre entretien avec le directeur général de l’institut régional du travail social des Hauts-de-France qui expose les efforts qu’il met en œuvre en ce sens ainsi que l’interview de nos partenaires de l’Association des jeunes psychiatres et jeunes addictologues (AJPJA) qui fêtait ses 10 ans il y a quelques jours.
Car il y a des avancées et des évolutions positives dans les structures de l’addictologie. Le développement de la place des pairs et la reconnaissance croissante des personnes disposant de savoir issu de l’expérience en est une. La multiplication des postes d’infirmiers de pratique avancée va dans le sens de l’élargissement des compétences disponibles pour mieux accompagner les personnes. La Fédération Addiction a d’ailleurs mis en place un groupe de travail sur le sujet : vous pouvez consulter la FAQ qui en est issue dans cette newsletter.
Et pour aller un peu plus loin sur la question de l’attractivité des métiers de l’humain, et particulièrement dans les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux, retrouvez notre article récemment paru dans la revue Les cahiers de l’actif.